Du vintage en général, de moi en particulier
Comme prévu dans mon programme de Premier Ministre, je me suis rendue dimanche après-midi au vide-grenier retro organisé dans le 11° arrondissement (près de la rue Ledru-Rollin, précisemment).
Je n'ai pas regretté le déplacement car il y avait tout plein de jolies choses à voir. Des objets oubliés (j'adore les vieux téléphones), des meubles très éloignés du style Ikea, des bijoux en veux-tu en voilà, des accessoires en tout genre (lunettes, chapeaux, sacs,... ) et bien sûr des vêtements dans le plus pur style retro (40's, 50's, 60's, 70's).
Et puis il y avait surtout une très bonne ambiance grâce à un chouette groupe en live, qui nous permettait d'errer de stand en stand tout en musique. Comme souvent lors de ce genre d'événements, j'ai été contente de voir tant de monde se déplacer mais surtout se mélanger. On pouvait croiser des familles, des femmes aux look très classiques ainsi que des couples habillés rockab', jupes qui tournent pour les filles et cheveux gominés pour les mecs !
Alors la question que tout le monde se pose c'est : qu'a acheté cette bonne vieille Fifi ?
C'est vrai que lors du Paris-Tease du mois dernier ou dernièrement lors du Metal-Market de La Cantada, j'ai été archi-sage. Il fallait bien que je me lâche un jour ou l'autre !
Et bien, ce jour-là n'est manifestement pas arrivé...
Je n'étais pas partie dans l'esprit de refaire ma garde-robe : j'ai beaucoup de mal à acheter un vêtement sans l'avoir essayé et m'être observée scrupuleusement dans un miroir avant, chose impossible à faire dans un vide-grenier. Mais pour un vrai coup de coeur, je peux faire des efforts.
Sauf que là, j'ai été tout de suite stoppée par les prix, preuve encore une fois que le vintage est devenu décidemment trop tendance et que les vendeurs le savent et en abusent.
Avant, quand on traînait sur les stands de vêtements anciens, dans des foires et autres brocantes, on trouvait très facilement de jolies pièces pour trois fois rien (j'entends quelques dizaines de francs, ou quelques petits euros). On avait l'impression de vraiment "débarasser" le vendeur d'une vieillerie encombrante. Aujourd'hui, les pièces vintage atteignent des prix totalement indécents ! Je suis tout à fait d'accord qu'une belle pièce se mérite, que certaines ont une très grande valeur, mais sincèrement, même les robes les plus basiques coûtent un bras sous pretexte qu'elles sont des années 70 !
A titre d'exemple, je portais dimanche une robe des années 60, achetée il y a quelques années maintenant et payée à peine dix euros. La robe en question est absolument parfaite, sans aucun accroc, la couleur n'est pas passée, le tissu n'est pas râpé et la coupe tombe parfaitement bien. J'adore cette robe. Je l'adore encore plus quand je vois de vulgaires blouses informes aux motifs improbables étiquetées 60 euros ! C'est de la pure folie !
La faute à qui ?
La faute à toutes ces lanceuses de tendance qui ont décidé du jour au lendemain que s'habiller vintage était fashion ! Il a fallu qu'elles découvrent Dita Von Teese pour s'apercevoir qu'il y avait un style avant les épaulettes des années 80. Maintenant, ces filles là sont prêtes à dépenser des fortunes pour ajouter à leur dressing déjà bien rempli une robe ou un manteau qui leur donnera l'impression d'être unique...
Je trouve donc que l'état d'esprit vintage en a pris un sacré coup en même temps que les prix ont flambé. Si, comme je le disais plus haut, avant, on avait l'impression de rendre service aux vendeurs en les débarrassant d'une vieillerie, aujourd'hui, on a l'impression inverse : ce sont eux qui nous font l'honneur de bien vouloir nous vendre leur précieuse marchandise ! Ils nous font bien sentir qu'après tout, si on hésite devant leurs robes, d'autres filles se feront un plaisir de dégainer leur porte-feuille pour toutes se les offrir !
Mais pour moi, porter une pièce ancienne ce n'est pas juste "se créer un look", c'est aussi accepter un héritage, redonner un deuxième, voire un troisième, destin à un vêtement.
A chaque fois que je m'achète un vêtement (ou accessoire) ancien, je me pose des questions sur sa précédente propriétaire : était-elle heureuse d'avoir cette pièce dans sa penderie ou était-ce pour elle un vêtement comme un autre ? Pour quelles occasions la sortait-elle ? Etait-ce le cadeau d'un amoureux ? Ou un cadeau personnel fait pour célébrer une réussite, un nouvel emploi, une nouvelle rencontre ?
Depuis presque dix ans maintenant, je porte à la main gauche une bague en argent, ovale, surmontée d'une pierre noire, achetée dans une brocante. La personne qui me l'a vendue ne m'a rien dit de son passé. C'est donc en fonction de mon humeur que je lui en invente un. Parfois, j'imagine une jeune femme la recevant d'un homme transi d'amour, mais parfois, je préfère me dire qu'elle se l'ai offerte, bien trop contente de s'être enfin débarasser du looser qui lui collait au bask depuis des mois ! J'aime aussi imaginer des histoires tragiques : une jeune femme l'ayant reçue de sa grand-mère s'est vue obligée de la revendre pour pouvoir remplir son frigo. Ainsi, le bijou serait passé de brocanteur en revendeur jusqu'à rejoindre mon doigt... Je me fais des films, même si je sais qu'il est fort probable aussi que l'ancienne propriétaire soit une femme toute banale, désirant simplement faire du tri !
J'ai l'impression que les modeuses qui consomment du vintage aujourd'hui comme elles consommaient du H&M hier ne se posent pas toutes ces questions lorsqu'elles acquièrent une nouvelle pièce. Elles sont contentes d'elles, contente de leur trouvaille qu'elles vont pouvoir montrer aux copines et oublier deux semaines plus tard au profit d'une autre... C'est triste.
J'ai tout de même fait l'acquisition d'un nouveau sac dimanche. On y vient.
Je n'ai pas vraiment l'âme d'une collectionneuse (bon ok, j'ai un petit problème avec les chaussures...). J'ai deux sacs que j'utilise absolument tout le temps : un porté main, décoré d'accueillantes têtes de mort et de roses rouges, et une besace Mister Jack. Oui, j'ai un look d'ado, j'aurais pu jouer la fille d'Hank dans Californication !
Si je ne suis pas une accro du sac, je ne suis surtout pas une dépensière it-baguesque. Je me contrefous du dernier Darel ou de l'indispensable Balenciaga. Je trouve ça vraiment idiot de lâcher autant d'argent pour un simple fourre-tout ! C'est vrai après tout : un sac de fille, ça ne ressemble à rien ! Même lorsqu'on l'a payé 1500 euros, on y retrouve pas pour autant plus facilement ses clés ! Je n'ai qu'un seul sac au prix indécent (un mois de loyer parisien), c'est un Dior, un saddle, acheté début 2002. Une antiquité d'un point de vue it-baguesque mais pas sufisamment vieux pour être considéré comme vintage par les papesses de la mode. Autrement dit, ce sac est une hérésie au pays des modeuses mais je l'aime parce que je l'ai longtemps convoité avant de me l'offrir. Et je n'ai pas besoin de renouveler l'expérience : je l'ai, je le garde !
Je lui ai tout de même donné un petit frère dimanche. Un petit frère vert, datant de la fin des années 50, et ayant appartenu à la belle-mère de la personne qui me l'a vendu. J'ai donc pu apprendre que son ancienne propriétaire n'était pas une personne fortunée, et étant donné l'aspect -presque- comme neuf du sac, nous avons pensé qu'il s'agissait probablement de son sac "des grandes occasions". Je dois donc dire, même si c'est un peu cruchon, que je suis flattée d'avoir maintenant la responsabilité de ce sac. J'imagine que pour cette dame, il était comme mon saddle, un investissement, une petite fierté personnelle, à chérir. J'en prendrai donc le plus grand soin, et ne manquerai pas de rappeler sa petite histoire à chaque personne qui me demandera : "tu l'as acheté où ?".
Parce que je parle décidemment beaucoup trop, je vous laisse avec une photo de la bête, que je compte porter prochainement pour une soirée avec des gants et des chaussures noirs, ainsi qu'une robe en soie verte.