La Rumeur, de William Wyler (1961)
Après le festival en l'honneur d'Audrey Hepburn programmé il y a quelques mois au MacMahon, c'est au tour du Balzac et du Grand Action de nous proposer une incontournable reprise avec La Rumeur, film qui réunit pour la seconde fois Audrey Hepburn et le réalisateur de Vacances Romaines, William Wyler.
Alors qu'elle vient à peine de terminer le tournage de Diamants sur Canapé, Audrey Hepburn accepte d'interpréter Karen, un personnage qui jure dans sa filmographie, mais qu'elle souhaite jouer croyant fermement aux idées véhiculées par ce film.
En effet, La Rumeur met en scène deux jeunes femmes, Karen Wright et Martha Dobie, amies d'enfance et directrices d'un pensionnat de jeunes filles, qu'une élève difficile et méchante accuse d'entretenir des relations "contre-nature". C'est donc l'homosexualité féminine qui est au coeur de cette oeuvre qui aborde donc, selon Audrey : "le droit de chacun au respect de son intimité, le danger des commérages et le pouvoir qu'a l'amour de transcender même la sexualité".
Il est alors important de savoir que si une pièce de Lillian Hellman est à l'origine de ce film, William Wyler en a déjà proposé une première adaptation en 1936 sous le titre These Three, dont La Rumeur est censé être une adaptation moins édulcorée, non-censurée. Néanmoins, La Rumeur reste bien prude comparé à la pièce d'origine. Il reste toutefois un film bouleversant et relativement sulfureux pour l'époque.
Audrey, dont le rôle devait tout d'abord être confié à Katherine Hepburn, donne ici la réplique à une autre grande actrice, Shirley MacLaine, la soeur de Warren Beatty, qui venait de tourner dans La Garçonnière de Billy Wilder. Malgré la grande fatigue d'Audrey qui l'amène à être souvent irritable, les deux femmes s'entendent à merveille sur le tournage, notamment grâce à leur sens de l'humour. Alors qu'elles décident de donner une fête de fin de tournage, Shirley MacLaine se souvient des paroles d'Audrey : "Hé ho, Shirl', ma fille, d'après toi, à combien va se monter la douloureuse pour cette petite sauterie ?" On peut voir à travers ces quelques mots qu'Audrey pouvait être, malgré sa personnalité introvertie et ses bonnes manières, vraiment drôle !
La bonne entente entre les actrices ne suffit toutefois pas à faire le succès de La Rumeur, descendu par les critiques, jugé "lugubre" et "boursouflé".
Pour ma part, je l'ai trouvé vraiment très bon et, pour la première fois, j'ai eu le sentiment de regarder un film avec Audrey et non un film d'Audrey. Je ne sais pas si cela est très clair pour vous qui n'habitez pas dans ma tête ! Ce que je veux dire c'est que, devant des films comme Diamants sur Canapé ou Deux têtes Folles, je n'ai d'yeux que pour Audrey, elle porte littéralement le film sur ses épaules, dans le sens où elle en est le pilier, LE personnage. Or, La Rumeur me semble pouvoir être sans Audrey. Elle y est merveilleuse bien sûr, comme à son habitude. Son jeu est soigné, élégant et juste, mais le sujet du film, sa photographie, son ambiance sont tellement présents, forts, intenses, que les actrices sont vraiment à leur service, et non l'inverse. De plus, si Audrey est magnifique, j'ai été très touchée par Shirley MacLaine et le personnage de Martha. Shirley MacLaine a quelques scènes d'une grande force, qui ne peuvent pas laisser insensible. Le personnage de Karen, celui joué par Audrey, est beaucoup plus neutre et finalement beaucoup plus insaisissable. En effet, si Martha nous fait partager ses sentiments profonds -qui se révèlent à elle contre sa volonté-, Karen reste très vague et nous apparaît bien plus complexe, au point que le film se termine en nous laissant avec nos questions la concernant. Qui est-elle vraiment ? Que ressentait-elle ? Pourquoi se comportement face à son fiancé ?
Un film à voir absolument, pas seulement pour la présence d'Audrey, vous l'aurez compris, mais pour l'ensemble des acteurs (les petites filles sont incroyables, ainsi que Fay Bainter -qui a été nominée aux Oscars de 1961 pour le meilleur second rôle féminin- ou Miriam Hopkins) et surtout son sujet, toujours d'actualité.
D'ailleurs, en parlant des petites filles, l'une d'elles, Veronica Cartwright, qui jouait Rosalie Wells, a poursuivi sa carrière cinématographique, et certains d'entre vous auront pu la voir dans le Alien de 1979, mais aussi dans Candyman 2 ou Dr. Kinsey.
Foncez tant qu'il en est encore temps au Balzac (je fais de la pub pour mon ciné préféré ^^), vous ne le regretterez pas.