La disparition d'Anastasia Cayne, de Gregory Galloway
Un jeune lycéen, "fade comme un verre d'eau" pour reprendre son expression, voit sa vie bouleversée lorsqu'il tombe amoureux de la mystérieuse Anna Cayne.
Il en est d'ailleurs le premier étonné puisqu'Anna -qui préfère se faire appeler Anastasia- appartient à la bande des corbeaux du lycée, autrement dit des gothiques. Vêtue de noir de la tête aux pieds, elle arbore un maquillage charbonneux, traîne des grosses godasses et semble toujours dans son petit monde.
Anastasia a en effet des tas de passe-temps qui lui permettent de s'évader, de rêver, de voyager. Des passe-temps aussi étranges qu'originaux, totalement en adéquation avec sa personnalité atypique. Ce qu'elle aime par-dessus tout c'est rédiger des fausses nécrologies dans un carnet mais aussi réaliser des jeux de pistes, inventer des langages codés, créer des faux timbres, écrire des lettres de prime abord incompréhensibles, faire des compilations de ces chansons préférées et lire.
Vous en conviendrez, Anastasia est donc une jeune fille très créative, cultivée et brillante, qui apprécie la plume de Baudelaire et de Kerouac, la musique classique mais aussi la voix envoûtante de Ian Curtis.
Aux côtés d'Anastasia, le narrateur découvre donc l'amour mais s'ouvre également à une culture qu'il ne connaissait jusqu'alors pas, approche de plus près le clan des gothiques, se fait accepter par certains mais demeure définitivement un intrus aux yeux de certains autres.
L'histoire aurait pu s'écrire sur des dizaines de pages ainsi, couler paisiblement, As simple as snow comme le dit si joliment le titre original.
Mais un matin, les parents d'Anastasia annonce la disparition de leur fille. Ses vêtements ont été retrouvés sur le lac gelé mais aucun indice ne permet d'éclairer la situation : enlèvement ? meurtre ? suicide ? fugue ? Beaucoup de questions restent en suspens et de nombreuses autres sont soulevées lorsque le narrateur reçoit quelques jours plus tard des messages codés que seule Anastasia pourrait lui envoyer.
La Disparition d'Anastasia Cayne est un roman pour adolescents qu'on ne peut pas lâcher une fois ouvert. Il est présenté comme un livre à suspense mais il est bien plus que ça. L'intérêt de cette histoire ne réside pas tant dans la recherche de la disparue mais dans la disparue elle-même ! Anastasia est un personnage incroyablement fascinant à bien des égards. Alors que l'histoire se déroule dans un lycée, à un âge où on est partagé entre le désir de se fondre dans la masse et celui de se démarquer, elle sait se montrer originale sans le vouloir, tout en restant simplement elle-même. Par ailleurs, j'ai beaucoup apprécié que ce personnage de jeune fille gothique soit montré sous un jour attrayant sans être complètement débile : Anastasia n'est pas une dépressive suicidaire mais elle n'est pas non plus une vulgaire fan de Tokyo Hotel qui mise tout sur l'apparence. L'auteur a réussi à montrer à travers elle que le milieu gothique se veut avant tout une culture et que les personnes appartenant à ce mouvement sont bien souvent curieuses, calmes et créatives.
Concernant le style de l'auteur, je vais encore une fois me référer au titre original de son oeuvre As simple as snow, qui correspond très bien au caractère d'Anastasia (glaciale, mystérieuse mais finalement moins compliquée que la plupart des gens) mais également au rythme du récit. Avec des mots simples et des phrases magnifiquement tournées (la traduction est vraiment très bonne), il nous berce, nous apaise, nous fait traverser cette histoire en douceur, comme on se promènerait à travers un paysage enneigé : en silence, avec respect et recueillement.
Le seul petit défaut de ce roman est sa fin très ouverte qui pourrait en laisser quelques-uns sur leur faim. Pour ma part, je lis toujours quelques critiques avant d'entamer une lecture, j'étais donc avertie de ce fait. Je préfère donc vous le dire car ne pas tout savoir à la fin pourrait vous faire regretter d'avoir accordé du temps à ce roman qui reste, d'après moi, plus qu'honorable.