La Parisienne, d'Henry Becque, au théâtre Montparnasse
Après avoir passé un excellent moment devant Nono de Sacha Guitry la semaine précédente, j'étais tout excitée de découvrir La Parisienne d'Henry Becque jeudi soir dernier. Vous allez me dire que c'est idiot car ces deux pièces sont les oeuvres de deux dramaturges différents et, surtout, n'ont pas été écrites à la même époque. En effet, si Nono est la première comédie écrite par Guitry en 1905, La Parisienne est la dernière proposée par Becque vingt ans plus tôt. Néanmoins, on retrouve certaines similitudes entre leurs deux personnages féminins.
Si la Nono de Guitry est une jeune femme pleine de vie qui se laisse vivre, passant sans complexe d'un homme à un autre, La Parisienne de Becque est une femme mariée mais avant tout ambitieuse, qui n'hésite pas à tromper son mari avec son plus vieil ami.
Aussi, ces deux femmes ne brillent pas par leur vertu. Mais des deux, la Parisienne demeure la plus fourbe et énigmatique. Alors qu'elle met tout en oeuvre pour échapper à son époux, on découvre dès le début de la pièce que son amant aussi est devenu gênant. Celui-ci est jaloux comme un pou, soupçonne sa bien-aimée de le tromper, la suit, exige de lire son courrier, bref, il est encore plus pénible qu'un mari ! Mais tout comme lui, le spectateur est tout d'abord dans le flou : cette femme qui se tient là, devant nous, dans ses vêtements luxueux, qui se donne des airs de bonne personne, est-elle à plaindre ou à blâmer ? Trompe-t-elle réellement son amant ou ce dernier se fait-il des idées ? Et, de toute façon, une femme comme elle, qui ne pense qu'à son ascension sociale, peut-elle sincèrement tomber amoureuse ?
Voilà quelques-unes des questions que l'on se pose tout au long de la pièce en attendant une réponse destabilisante qui n'arrivera qu'au dénoument.
La Parienne aborde alors les thèmes de l'amour, de la fidélité mais surtout de la confiance, valeur qu'incarne le mari dont la naïveté est mise en lumière par la réplique qui vient clore la pièce.
Mais malgré quelques points positifs, voire très positifs, je dois admettre que mon avis sur l'ensemble de la pièce reste mitigé.
C'est évidemment un plaisir de revoir sur scène la magnifique et talentueuse Barbara Schulz dont la beauté illumine littéralement la scène. Face à elle, Jérôme Kircher, vu il y a quelques mois dans Promenade de Santé face à Mélanie Laurent, est toujours aussi bon (et craquant, hihi ^^).
J'ai également apprécié la mise en scène signée Didier Long qui ne me déçoit jamais, les décors très bien pensés, proposant un étonnant et intéressant jeu de miroir, faisant écho au caractère ambigu et double du personnage féminin, que l'on surprend alors en train de se cacher dans son propre appartement pour échapper à ses soupirants, et bien entendu, j'ai été sous le charme des costumes d'époque qui laissent forcément rêveuse.
Mais ce qui m'a réellement séduite, c'est le texte, superbement écrit, plein de finesse, souvent caustique dans la bouche de cette Parisienne volage et cynique, parfois désopilant dans celles des hommes qu'elle mène par le bout du nez. L'écriture de Becque n'est ni pétillante, ni badine, juste très maîtrisée et révélatrice d'un amour sincère pour les mots et la langue française qui déploie, sous sa plume, tous ses charmes. Impossible en sortant de ce théâtre de ne pas être persuadé qu'il s'agit de la plus belle langue qui soit, lorsqu'on sait la chérir.
Ce qui m'a alors déçue est le manque de rythme de l'ensemble. Assez bizarrement, et il m'est donc difficile de l'expliquer et de le justifier, j'ai trouvé la pièce fadasse, manquant de rebondissements, de surprises, de passion. J'ai été heureuse de la voir présentée sur scène mais, chose rare pour du théâtre, j'en apprécie davantage la lecture, laissant alors les mots faire leur oeuvre.
La Parisienne, au Théâtre Montparnasse, jusqu'au 31 octobre.
Prochains spectacles à voir cette semaine : Mort à Venise (hier soir), Interview et Rendez-vous. Allez hop, on enchaîne !