Chien Chien, au théâtre de l'Atelier
Pour fêter le premier jour du mois d'octobre (excuse ^^), je me suis rendue au très beau théâtre de l'Atelier afin d'y voir Chien Chien, une pièce qui me semblait suffisamment originale et dérangeante pour valoir le déplacement.
Malheureusement, malgré dix jours de recul, je demeure toujours aussi perplexe en y repensant, incapable de réellement évaluer ma déception.
Pourtant l'intrigue a un potentiel certain. Dans une villa de rêve, située sur une île hyper-protégée et coupée du monde extérieur, à laquelle on accède par hélicoptère, deux femmes prennent l'apéritif tout en faisant connaissance d'une manière fort particulière. La maîtresse de maison, Linda, femme d'un grand patron, grande et belle blonde, souple, agile et perfide, qu'on sent prête à bondir sur sa proie à tout moment, ne fait rien pour mettre à l'aise son invitée, Léda, une petite binoclarde coincée, prof de maths et épouse du nouvel employé de l'entreprise. Dès le départ, les deux femmes se font face et il est très difficile de les imaginer devenir amies ou complices, bien au contraire. Le ton monte, les remarques et critiques se font acides, les masques tombent et les identités se révèlent. Linda et Léda ne sont finalement pas des inconnues mais deux amies d'enfance, Adèle et Léda, le vilain petit canard et la jolie petite peste, celle qui a souffert et attendu vingt ans de pouvoir prendre sa revanche, celle qui est passée à autre chose, trop occupée à gérer sa vie plus que moyenne et son mari chômeur dépressif.
La pièce se compose donc de deux parties, la première qui brouille les pistes en nous montrant les deux femmes tentant de faire connaissance selon les règles quelque peu tordues imposées par Linda, puis la seconde, qui commence avec la révélation de cette dernière à son invitée, annonçant alors un combat sans merci entre les deux anciennes amies. En effet, Linda, anciennement Adèle, est restée traumatisée par les jeux d'enfants auxquels son amie et elle s'adonnaient lorsqu'elles étaient petites filles, des jeux très particuliers qui consistaient principalement à s'humilier, se faire du mal et prendre l'ascendant l'une sur l'autre. Aujourd'hui, les rôles sont inversés : Linda est la femme du patron du mari faiblard de Léda. Pour autant, elle ne s'en satisfait pas, les souffrances de l'enfance étant trop violentes, trop profondes pour être si vite oubliées. L'argent et la condition sociale sont des choses secondaires qui ne suffisent pas à panser les blessures de Linda qui souhaite alors reprendre où elle était restée la partie de Chien-Chien commencée il y a vingt ans.
Chien-Chien, sur fond de chronique économico-sociale, aborde donc l'enfance, ses blessures, ses cicatrices qui peinent à se refermer, ses traumatismes qui marquent à vie, ses experiences bouleversantes qui peuvent guider et commander, bien des années plus tard, nos choix et objectifs d'adulte. Aussi, le personnage de Linda-Adèle m'a, dans une certaine mesure, touchée car j'ai été troublée par sa fragilité, elle qui semble pourtant si forte, si sûre d'elle au début de la pièce. Alice Taglioni, à la fois impressionnante par son charisme et fragile avec sa longue silhouette de danseuse,donne beaucoup de profondeur à son personnage qui peut être tout à la fois irritant, complexe et fascinant. L'ambiguité entre les deux femmes, les deux amies, est également intéressante à décrypter : leur relation est malsaine, le mal aise qui nait entre elles palpable, la tension qui monte intense.
Néanmoins, malgré un fond qui m'a semblé -dans un premier temps- plutot intéressant et pertinent, je n'ai pas du tout accroché au texte et au ton de la pièce, que j'ai trouvés assez vain et décevant, bavard et prétentieux, desservant alors une intrigue qui partait plutôt bien. J'ai rapidement eu l'impression de feuilleter "Les traumatismes pour les Nuls" tant le face-à-face entre les deux femmes, cinglant au départ, devenait au fil des révélations, pathétique et convenu. L'ensemble sonne alors très psycho de bas étage, plutôt creux et pompeux, faussement intello lorsqu'il se fait critique d'une société hiérarchisée, très parisien en somme.
Malgré des comédiennes impliquées et convaincantes, un décor très classe, agréable à regarder et une mise en scène fluide, vivante et bien pensée, je pense que ma déception est finalement assez grande.