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Vilaine Fifi
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17 février 2011

les films du mois de février, partie II

Bonjour, bonjour les Chupa Pigs !!

Une fois n'est pas coutume, la review-ciné de la semaine sera pauvre avec seulement deux films vus ce week-end. Bouh ! Rendez-moi mes programmes ciné surchargés, par pitié !

Je vous propose donc deux critiques, l'une fort détaillée, l'autre beaucoup moins (question d'équilibre voyons !) pour deux films parfaitement différents.

Black_Swan_ Black Swan, de Darren Aronofsky

La sortie de Black Swan a eu sur moi l'effet pervers des places de spectacle que l'on réserve trop longtemps à l'avance : il y a quelques mois, elle m'excitait au-delà de l'entendement mais plus le moment d'être confrontée à ce film approchait, plus mon enthousiasme faisait la moue. Les couvertures de magazines mettant Natalie Portman à l'honneur me sortent par les yeux et lire ici et là des éloges habituellement réservés aux chefs-d'oeuvre m'encourageait vivement à prendre du recul. Néanmoins, c'est avec une curiosité non feinte que j'ai pris le chemin du cinéma dimanche après-midi et ce que j'ai pu voir sur ce grand écran que j'aime tant m'a très largement convaincue : oui, Black Swan et Natalie Portman méritent toute l'attention qu'on leur accorde.

Pourtant, il faut bien dire qu'à première vue, ce film ne brille pas par son originalité, il est parfois même très agaçant par son envie de trop en faire et de trop bien vouloir dire, de foncer tête baissée dans du déjà-vu.

Clairement, le scénario n'invente rien. Poser sa caméra dans l'univers de la danse amène tout réalisateur à se confronter à certains clichés qu'Aronofsky ne contourne pas, bien au contraire : il use de tous les poncifs concernant ce monde fascinant qui est pour lui une découverte. On retrouve alors dans Black Swan bon nombre de personnages croisés dans d'autres films ayant déjà proposé leur vision du monde du ballet : une héroïne fragile et innocente, impliquée corps et âme dans son art qui la conduira fatalement à sa perte, sa meilleure ennemie, qui favorise un climat malsain de jalousie et de paranoïa, le maître de ballet au caractère ambigu, seul référent masculin, à la fois tyrannique et protecteur (comme tout pygmalion qui se respecte) et, enfin, la mère couveuse et envieuse qui encourage sa fille à vivre la vie dont elle rêvait au détriment de son épanouissement personnel. Evidemment, avec une telle distribution, les choses ne peuvent que mal se terminer et c'est bien souvent dans la mort volontaire que l'héroïne trouve le salut (je ne dévoile rien de l'issue de Black Swan ici et pense précisément à celles d'autres films que je ne nommerai pas). Aronofsky reprend donc tous les éléments qui font les films de ballet et pioche chez d'autres grands noms -Lynch, Argento, Polanski, pour ne citer qu'eux- de quoi enrichir son univers lorsqu'il choisi de faire basculer son oeuvre dans l'horreur. Néanmoins, les clichés et références ne sont pas de mauvaises pioches et permettent à Aronofsky d'approcher une certaine vérité qu'aucun danseur ne pourra nier. Le perfectionnisme, la souffrance physique, le don de soi qui va jusqu'à la perte sont des épreuves que tout danseur doit surmonter ou avec lesquelles il doit apprendre à vivre. L'omniprésence des miroirs dans le film apparaît alors plus que pertinente, incontournable, symbolisant sans détour l'obsession du danseur pour son image, pour son corps dans lequel s'incarne sa quête de la perfection et une certaine forme d'égocentrisme.

black_swan_miroir

Black Swan est donc bien moins un film sur la danse (les passages dansés sont d'ailleurs peu nombreux, en aucun cas mis en valeur et ne sauraient combler les amateurs de ballets) qu'un thriller psychologique. Et c'est bien là la grande réussite d'Aronofsky qui nous livre un cauchemar éveillé au service duquel il met son univers visuel baroque et foisonnant (délaissé le temps de The Wrestler) qui, à l'instar de celui de Baz Luhrmann, peut prêter à sourire par son côté kitsch mais a le mérite de nous saisir physiquement et de tirer notre imagination vers le haut.

Thriller psychologique donc, Black Swan nous montre la folie comme rarement, nous plongeant au coeur de la psychose vécue par Nina, le personnage principal. Tout d'abord intéressé par une adaptation du Double de Dostoïevski, Aronofsky trouve dans Le Lac des Cygnes matière à explorer cette malsaine dualité qui semble l'interpeller. En effet, il s'agit d'une histoire qui se prête parfaitement à l'illustration d'un cas de schizophrénie, l'héroïne devant interpréter deux rôles que tout oppose en allant puiser ses ressources tout au fond d'elle-même. C'est précisément cette quête et ce tiraillement qui engageront Nina sur la voie de la folie. Prisonnière d'une mère étouffante qui la garde à l'abri du monde dans une chambre de petite fille peuplée de peluches, souhaitant en faire un éternel cygne blanc dénué de personnalité, poussée à bout par un maître de ballet qui exige d'elle qu'elle se dépasse pour mettre au jour sa part d'ombre et devenir le cygne noir, Nina qui doit ainsi se dédoubler tout en passant par le tortueux chemin de la connaissance de soi, ne peut que perdre pied. Fragile psychologiquement, sacrifiée à son art, pétrie de remords à l'idée de prendre la place d'une ancienne Etoile, elle n'a -en dépit d'une technique irréprochable- pas les épaules pour assumer ce rôle trop grand pour elle qu'elle n'aurait finalement pas dû obtenir. En passant par l'exagération, Aronofsky nous livre une oeuvre qui n'a de cesse de soulever des questions inhérentes au processus de création artistique et qui brouille très intelligemment les pistes en nous proposant l'unique point de vue de l'héroïne qui perd, au fur et à mesure de sa dérive, toute notion de réalité. Aussi, il est impossible de juger de la véracité des faits, ce qui nous amène à totalement lâcher prise et nous invite à nous laisser submerger par l'horreur.

Black_Swan3

Comme tout bon récit explorant les méandres de l'esprit, Black Swan fait la part belle à la sexualité en mettant en parallèle la quête artistique de la danseuse et le cheminement intérieur d'une jeune fille qui devient femme. La danse est -me semble-t-il- le seul art où l'artiste et l'oeuvre se construisent, se transforment, simultanément, et se confondent ; le corps et le mouvement formant la matière même du travail chorégraphique. Les scènes de sexe sont alors fort nombreuses et en aucun cas gratuites. Qu'il s'agisse de la scène de masturbation interrompue par le personnage de la mère explicitement dévoratrice (Nina est condamnée à demeurer étrangère au plaisir de la chair, à n'être qu'un corps sans vécu, incapable de livrer autre chose qu'une performance techniquement parfaite mais sans âme), des avances très poussées du maître de ballet qui n'ont d'autre but que de sortir Nina de son carcan (je ne pense pas qu'il soit parfaitement juste de voir en Thomas Leroy un homme profitant de son statut pour obtenir les faveurs de ses danseuses, le langage cru et osé étant incontournable dès qu'il s'agit de la danse, art qui était perçu par Martha Graham -pour ne citer qu'elle- comme l'expression d'une énergie vitale au même titre que la sexualité), de l'évocation de l'homosexualité féminine pour dire la fascination de l'artiste pour lui-même, chaque scène est une clé pour mieux envisager la dérive de Nina, dont on nous suggère plus d'une fois la frigidité, son anorexie -qui, d'après moi, a plus à voir avec son rapport à la mère qu'avec la danse- laissant supposer qu'elle n'est plus réglée, que son corps demeure celui d'une enfant. Le lâcher prise, la perte de contrôle sont maintes fois exigés par le maître de ballet et c'est seulement en passant par eux que la danseuse pourra se surpasser, que le cygne pourra déployer ses ailes, que la jeune fille devenue femme pourra connaître l'orgasme.

black_swan4

Film qui trouve son origine sur une montagne de clichés, Black Swan parvient -grâce à une réalisation et une mise en scène audacieuses et habitées, empreintes de réalisme fantastique, et des acteurs superbes- à incarner la magnificence qu'il évoque. Il est, à mes yeux, la parfaite illustration de la lutte qui oppose le corps et l'esprit. Un très grand film, troublant et euphorisant, qui n'a pas fini de nous livrer ses secrets.

qui_a_envie Qui a envie d'être aimé ?, d'Anne Giafferi

Adapté du roman Catholique Anonyme de Thierry Bizot qui relatait sa propre expérience, Qui a envie d'être aimé ? aborde un sujet fortement délicat -voire carrément casse-gueule- et s'en sort pas si mal même s'il demeure par certains aspects décevant. Le personnage principal, Antoine, a absolument tout pour lui : une belle femme, un vaste appartement haussmanien, une carrière bien engagée, une bande d'amis bobos et des problèmes, somme toute anodins, pour pimenter le tout -un père fruste qui lui préfère son frère magouilleur et un fils introverti qui tente de tester les limites de l'autorité-. Mais personne n'est à l'abri d'une rencontre et cet homme tranquille voit sa vie transformée lorsqu'après une réunion de catéchèse, à laquelle il s'est rendu par pure politesse, il sent la foi s'immiscer en lui. Commencent alors les cachotteries, les prétextes bidons, les diners d'affaire qui s'éternisent,... pour qu'il puisse vivre sa révélation tranquillement, sans avoir à subir les moqueries, voire la totale incompréhension des mécréants qui forment son entourage. Sujet original que celui-ci, traité de manière subtile, tendre (le personnage d'Antoine est un vrai nounours, adorablement benêt) et sans aucun prosélytisme, porté par une brochette d'acteurs qui fait sa véritable force (Valérie Bonneton est encore une fois excellente), il aurait pu donner vie à un film très riche. Malheureusement, une réalisation très molle, une problématique traitée de manière très superficielle alors qu'il y avait matière à approfondir de manière très pertinente, plombent l'ensemble et font de Qui a envie d'être aimé ? le très bon brouillon de ce qui aurait pu être un très bon film. Dommage.

Nouvelle semaine, nouveaux films en série avec au programme : Les Femmes du sixième étage, Jewish Connection, La petite chambre et Sex Friends.

Bonne toile les Pigs ;)

 

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Commentaires
C
Je ne suis que partiellement d'accord avec toi sur le film mais j'apprécie le développement de ta critique et t'indique le lien vers la mienne:<br /> http://clairedanslessallesobscures.blogs.allocine.fr/clairedanslessallesobscures-296706-black_swan.htm<br /> <br /> Oui, il est plus agréable de pouvoir remplir davantage l'agenda ciné...que celui boulot par exemple!!
E
Livy, Flo, My Discoveries, Céline et Marnie,<br /> <br /> Je vous remercie très sincèrement pour vos commentaires remplis de gentillesse qui me font monter le rouge aux joues ! Je suis ravie que ce billet vous fasse réagir (positivement en plus, quel bonheur !) car "Black Swan" est un film qui m'a profondément ébranlée et à propos duquel j'avais réellement envie de m'exprimer. Connaître vos sentiments et réactions est un peu la cerise sur le gâteau, le dernier petit plaisir qu'on ne peut se refuser ! Merci beaucoup d'avoir participé à cet échange, d'avoir pris le temps de laisser une trace ici et, encore une fois, de me faire tant d'honneurs.<br /> Bisous à toutes ;)<br /> <br /> PS : Marnie, je suis parfaitement d'accord avec toi, mon article est bien trop détaillé et peut gâcher quelques surprises et rebondissements. J'en ai pris conscience un peu tard, trop passionnée par le sujet au moment de la rédaction. Donc, en toute amitié, j'accepte ton reproche qui n'en ai pas un du tout ;)
M
Magnifique critique de "Black swan" à laquelle j'adhère à la virgule près ! je l'ai vu ce soir et je ne parvenais pas encore à mettre des mots sur mes réflexions, mes impressions : ta critique l'a fait. On pense évidemment aux "Chaussons rouges". J'ai perçu le personnage de Cassel comme toi. Ce qui laisse le plus mal à l'aise c'est, in fine, de ne pas savoir à quel point tout se passait dans la tête de Nina (ce que je crois), s'il y avait du complot là-dessous, une concertation Thomas/Lily (ce que je ne crois pas, ce serait au final trop simple et trop banal).<br /> Juste un petit reproche à ta critique ;-) : tu aurais dû mettre "attention spoilers" au début parce que tu en dis quand même beaucoup... ceci dit très amicalement ;-) heureusement je lis toujours les critiques après !
C
Comme tous les autres avant moi, je suis impressionnée par ta critique du Black Swan. Je voulais écrire la mienne cet après-midi, et je ne pense pas que j'y arriverai. Chapeau !<br /> Je suis complètement, mais alors complètement d'accord avec toi sur ce que tu dis sur la création artistique. C'est pour moi un film sur la difficulté de créer, et sur le fait que la Beauté, la vraie, l'immense Beauté bouleversante que l'on trouve dans l'art, n'existe que par la souffrance et et le sacrifice du créateur. Un artiste doit mettre ses tripes sur la table s'il veut créer. La dernière scène est d'ailleurs tout à fait symbolique de ça.<br /> Un immense film.
M
Waouh, quelle critique pour Black Swan!!! Je ne vais pas répéter ce que tes autres lectrices ont très bien dit, mais simplement te dire bravo pour ta très belle plume et te remercier de partager tout ça avec nous ;o) Tu sais que j'ai aimé ce film, mais le moins que l'on puisse dire c'est qu'il m'a quand même moins inspirée que toi! <br /> Le sujet du 2e film parait intéressant, c'est dommage qu'il soit décevant au final...<br /> Je te souhaite un très bon week-end, avec quelques séances de ciné bien sûr! Plein de gros bisous Emma ;o)
Vilaine Fifi
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