Ta chair est tendre
Plus de deux semaines sans qu'une note n'ait été postée ici... Pauvre blogounet délaissé (faudrait que j'pense à le soulocationer). Comme toujours, les jours défilent et je ne les vois passer que de loin, de très loin, depuis une salle de concert parisienne ou amiénoise (ou la Super Battle : Festival les Inrocks vs Picardie Mouv') (large victoire de l'outsider) (Mademoiselle K, The Do, Metronomy et The Kills, tout de même) (Putain, The Kills !!!!), de cours ou de danse, d'un musée (j'aimerais tant vous parler de la rétrospective Diane Arbus, aussi palpitante que l'ECG d'un mort-vivant) ou d'un théâtre (Johnny, Fanny, Isabelle,...).
Mais le plus souvent, c'est encore et toujours devant un grand écran que vous avez une chance de me trouver. Car même si après une saison printemps-été des plus réjouissantes, le Septième Art couleurs d'automne semble en période d'hibernation, les propositions alléchantes ne manquent pas. Encore faut-il garder les yeux grands fermés lorsqu'on passe devant certaines affiches dégueulasses (enfin débarrassés des sourires idiots des deux intouchables) et ne pas toujours céder à l'appel du "navet-qui-détend" qui n'est rien d'autre qu'une perte de temps déguisée. M'est avis.
Malheureusement, comme le temps d'écrire ici vient souvent à me manquer, les billets-ciné que je prenais grand plaisir à rédiger sont portés disparus. Je saisis donc une petite heure au vol pour vous dire quelques mots d'un film sorti récemment (le 9 novembre) et qui a su charmer mes sens et enflammer mon petit coeur. Comme toute pépite, Bonsai pourrait ne pas être facile à dénicher puisqu'à Paris il est projeté dans une seule et unique salle (le MK2 Beaubourg, fidèle au poste), ce qui est fort dommage mais (positivons) lui donne encore plus de valeur.
Il aura suffi d'une carte postale chipée dans un cinéma du Quartier Latin au cours du printemps pour que ce film devienne ma petite obsession, guettant sa sortie mois après mois.
"In the end, Emilia Dies and Emilio does not die - A story of love, books and plants", voilà ce que disait la carte en question. Un message délivré, une fin annoncée -comme si celle-ci n'avait finalement pas d'importance-, et trois mots-clés, que l'on retrouve traduits sur l'affiche française, "amour", "littérature" et "botanique". Je n'ai pas la main verte (même si j'aime qu'on m'offre des fleurs ;)), mais j'imagine volontiers vivre d'amour et de livres frais. Ma curiosité était donc piquée, ma sensibilité touchée : pourquoi Emilia devra-t-elle mourir, entourée par tant de douceurs ? Quel sera le rôle des livres dans cette histoire d'amour qui, manifestement, finira mal ? Et pourquoi ? Et si ? Et comment ?
C'est donc début novembre, de longs mois après cette première rencontre avec Emilia et Julio, que j'ai pu obtenir quelques réponses à mes questions, devenues secondaires dès les premières minutes de ce film qui m'a littéralement envoutée. Bonsai, second long-métrage du réalisateur chilien Cristian Jimenez, dresse le double portrait de Julio, étudiant lunaire puis, huit ans plus tard, écrivain nébuleux, un brin menteur, qui ne cesse de tourner des pages. Celles écrites par Proust qu'il prétend avoir lu(es) puis celle des carnets qu'il noircit d'encre et d'autres substances sombres (pour faire plus vrai), feignant, encore et toujours, d'assister un grand écrivain. In the end, d'omission en supercherie, Emilio rencontre l'amour et trouve son style. Plutôt pas mal pour un barbu dégingandé.
Il faudrait maintenant que je vous parle d'Emilia, jolie brune toujours un peu ailleurs, le regard perdu au loin, le sourire discret et l'air mystérieux. Elle ne se sépare jamais de sa tassé de thé (qui l'accompagne même sous la douche), rarement de son t-shirt à la gloire des Ramones ; elle porte en elle une douce mélancolie qui déstabilise comme elle fascine. Mais je n'irai pas plus loin, ce personnage complexe et fragile comme une histoire d'amour ne se livre pas facilement. Respectons cela.
Bonsai, film délicat et plein de charme, m'a donc séduite par ses personnages à la fois singuliers et tellement familiers, attachants car détachés de tout sauf de l'essentiel, des mots et des sentiments. Cette ode à la littérature -celle qu'on lit et qu'on écrit mais surtout celle qui console, qui apaise et se mêle à la réalité- se fait également désarmante de sensualité lorsque les corps des amants se frôlent et s'enlacent entre deux pages de roman lues dans le petit lit qu'ils partagent, rituel nocturne si simple et infiniment séduisant.
Il serait peut-être bon ici de noter que Bonsai est adapté du premier roman d'Alejandro Zambra. Littérature, littérature,...
Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin sinon pour écrire clairement ce qui a été jusqu'alors sous-entendu. Bonsai offre une vision de l'amour incroyablement moderne et romantique, entre fiction et souvenirs. Un brouillage des pistes à l'image des personnages, jeunes adultes à la recherche d'eux-mêmes, vulnérables tels deux petits arbustes à la beauté obscure.