De "L'Ecume des jours", de Boris Vian, au Tsunami Gondry
Bonjour chers Tous :)
Que diriez-vous d'un petit billet à la croisée des chemins ? Entre littérature et cinéma, par exemple ? Connaissez-vous meilleurs passe-temps ? Plus belles passions ? Nourritures plus savoureuses ? Des deux, je ne me lasserai jamais et même si les adaptations, elles, me lassent, je dois dire que depuis quelques semaines, je me laisse prendre au jeu (au piège ?), et relève tous les défis. J'ai eu de belles surprises, souvenez-vous de l'adaptation du roman de Doris Lessing par Anne Fontaine, j'en attends d'autres (Gatsby), consciente d'être tout exposée à la déception.
Lorsque se sont faites entendre les premières rumeurs de tournage, je n'étais absolument pas emballée par l'idée d'une adaptation de L'Ecume des jours, de Boris Vian, surtout par Michel Gondry, réalisateur dont je n'aime AUCUN film (je n'adhère vraiment PAS à son univers qui, dans le meilleur des cas, me laisse de marbre). Puis des noms ont été murmurés, Tautou, Duris, Sy,... Et j'ai définitivement tourné les talons.
Mais à quelques semaines de la sortie du film, j'ai eu envie de me replonger dans l'oeuvre originale, ce roman lu en classe de Seconde et qui m'avait -comme nombre d'entre vous, j'en suis certaine- littérairement envoûtée. Je me souviens avoir traîné cette petite couverture bleu ciel partout avec moi, avoir lu dans le métro (la découverte du pianocktail s'est faite debout, sur la ligne 8, sourire aux lèvres) et même à la salle de sport, perchée sur mon vélo (chose que je n'avais jamais faite et n'ai jamais refaite). Chaque page était un éclat, chaque trouvaille langagière un étonnement, une plongée sans fin dans un univers loufoque, tendre et romantique que j'apprenais à habiter au fil des chapitres. Il m'était impensable de subir la lecture d'un autre : L'Ecume des jours est un roman qui sollicite bien trop l'imagination du lecteur pour souffrir le télescopage d'images.
Je ne vais pas m'étendre car je pense que nous avons tous fait l'expérience de cette lecture unique, insolite, véritablement saisissante (qui s'est emparé d'un morceau de nous), dans laquelle nous nous sommes tellement impliqués que nous conservons au fond du coeur la sensation d'avoir participé à la grande aventure livresque.
En début de mois, c'est avec appréhension que je me suis offert une cure de jouvence aux côtés de ces personnages qui, quelques années plus tôt, avaient marqué à jamais ma vie de lectrice (après cette première lecture vianesque, je m'étais prise de passion pour l'auteur et avais lu grand nombre de ses oeuvres au cours de l'été).
Chloé, Colin, Chick, Alise, Nicolas, la souris, ce maudit nénuphar,... Ils étaient tous là, réunis pour m'accueillir bien amicalement. Mais la fête avait pris l'eau, ou moi trop d'années dans l'aile, et la magie n'a pas opéré une seconde fois. Je vous laisse mesurer l'ampleur de la colère que j'ai ressentie contre moi-même, contre cette idée folle de relecture, activité que je pratique rarement, surtout pas avec une oeuvre aussi précieuse, pleine de souvenirs et d'images, figées dans une époque bien définie, où j'étais une personne que je ne suis plus. Trop de risques. Quel pénible moment j'ai passé, mes Chers, tournant les pages la mort dans l'âme (une part de mon âme morte), trouvant les mots fades, les personnages niais, voire insupportablement bêtes. Je ne percevais plus le romantisme, l'humour ne me faisait même pas sourire, la tendresse me semblait absente de ces lignes adolescentes, un brin prétentieuses et creuses.
Poursuivre serait inutile et douloureux.
Soigner le mal par le mal, paraît que c'est efficace. Puisque de l'oeuvre de Vian, j'avais à présent deux lectures, je pouvais me permettre d'en sacrifier une sur l'autel de Gondry, d'affronter ses images en duel, de les regarder droit dans les yeux sans crainte qu'elles n'éblouissent ou ternissent mes souvenirs. En clair je pouvais tricher.
Drôle d'expérience, n'est-ce pas ?! Un protocole de petite chimiste qui fait tout péter.
Le même qu'a dû suivre Gondry, qui a tout fait péter, lui aussi : mes yeux, ma tête, l'oeuvre de Vian et son propre cerveau juste avant, sans nul doute.
Car son film est tout malement immonde et écoeurant, un gros gâteau dégoulinant de crème au beurre épaisse, grasse, bourrée de colorants et d'arômes artificiels, acide citrique et épaississants en prime.
Un machin visuel saturé de couleurs, d'effets spéciaux, de trucs un peu craspec qui bougent dans tous les sens à en filer la nausée (même pas partrienne), pire qu'un tour de grand 8 après avoir avalé dix tonnes de fraises à la gélatine bovine. Avec de la musique, du son, des bruits qui explosent les oreilles sans aller jusqu'à nous assomer complètement, malheureusement.
C'est alors que ma première lecture m'est revenue droit au coeur, et, avec elle, mes souvenirs d'un livre savoureux (et non écoeurant), musical (non pas assourdissant), dansant (ce qui ne signifie pas hystérique), cinématographique (à ne pas confondre avec totalement halluciné), braque et tendre (qui ne sont pas synonymes d'excité et benêt). Inventif, créatif, imaginatif sans pour autant ressembler à un catalogue de brico-déco, à un dictionnaire des mots-valises-qui-n'existent-pas-encore-mais-qu'on-est-trop-fier-d'utiliser. D'une oeuvre généreuse, surtout pas prétentieuse, qui donne à voir, à lire, en ne se regardant pas le nombril, en ne s'écoutant pas parler. D'un auteur qui tend sa main au lecteur, qui lui dit "Viens ! Viens repeindre le monde avec moi, couleur fantaisie". Si Gondry à tendu sa main vers moi, je peux vous jurer que ce n'était pas pour m'inviter à valser !
Tagada-pouet-pouet ^^
Parce qu'avec ses grosses paluches et ses grosses images, sa grosse intelligence, ses gros moyens, son gros casting bling-bling qui pue le fric de Canal +, le réalisateur -soupçonné d'avoir fait un stage sous acides chez Jean-Pierre Jeunet- a étouffé son histoire, ses personnages et annihilé toute possible émotion.
Son ambition (ego ?), tel le nénuphar qui grandit et détruit peu à peu le poumon de Chloé, a pris toute la place dans cette adaptation qui offre un résultat sans charme ni âme.
Ceux qui me suivent depuis longtemps (ce blog trottine sur sa cinquième année, mine de rien !), le savent bien, les autres qui me découvrent avec ces lignes, je vous l'assure, je ne suis pas une mauvaise personne et je ne prends aucun plaisir à critiquer violemment une oeuvre ou un artiste. Bien au contraire, j'essaye -tout en restant objective- de faire toujours preuve de bienveillance, de trouver un zest de positif même lorsque je suis très déçue. Mais, avec ce film (qui n'est ni grand ni malade mais rend malade), Michel Gondry se moque vraiment du monde. Ceci étant, j'attends vos avis avec une pointe d'impatience, surtout s'ils vont à l'encontre du mien, que la richesse de l'échange pallie la pauvreté de l'expérience.
Très bonne journée à vous, chers Tous :)