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Vilaine Fifi
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28 avril 2009

Coco sans moi

Ma petite review ciné de la semaine est prévue pour demain mais j'ai envie de vous parler de Coco avant Chanel dès aujourd'hui. Pourquoi ? Tout simplement parce que j'ai été déçue par ce film et que j'ai envie de partager mon indignation.

Comme beaucoup, j'étais très impatiente de voir ce film, pour la simple et bonne raison que Chanel me fait rêver à chaque défilé depuis toujours. J'avais donc envie d'en savoir plus sur la créatrice de cette grande maison de couture et sur la manière dont elle avait bâti son empire. Avant de voir le film, j'ai tout de même tenu à lire une biographie de Gabrielle Chanel et, alors que j'étais partie sur celle d'Henry Gidel, le hasard a fait que je suis ressortie de la Fnac avec celle d'Edmonde Charles-Roux, dont s'est librement inspirée Anne Fontaine pour son film. J'étais donc fort justement documentée avant de pousser les portes de la salle de cinéma (je vous parlerai de l'ouvrage plus en détails dans un prochain billet).

Commençons par parler du film. Je l'ai trouvé d'une longueur... d'un ennui... atroce ! Anne Fontaine n'a pas su mettre ses acteurs en valeur et n'a pas su rendre intéressant le triangle amoureux Balsan-Coco-Capel. On ne prend aucun plaisir à suivre leur quotidien qui les montre tous comme de grands enfants capricieux. Leur histoire d'amour pourtant compliquée semble vide et creuse et devient vraiment lassante au bout d'un moment. Je n'ai pas non plus adhéré au casting. Audrey Tautou et Gabrielle Chanel se ressemblent, c'est indéniable. Tautou incarne parfaitement le personnage par son côté "titi-parisien", elle a ce ton déterminé, presque masculin, qui colle parfaitement à l'image que je me fais de la couturière. Néanmoins, Audrey Tautou ne parvient pas à se fondre au personnage, comme Cotillard dans La Môme ou encore Testud dans Sagan. Je n'ai, à aucun moment, réussi à l'oublier au profit du personnage qu'elle était censée incarner. Pour le coup, j'ai trouvé l'actrice du téléfilm de France 2 bien plus efficace, puisque son visage m'était inconnu. Tautou est bien trop connue et son visage bien trop marqué, particulier, pour incarner une personnalité. Quant à Poelvoorde en Balsan, encore une fois, je ne suis pas convaincue. Bien sûr, il est parfait dans le rôle du mec désinvolte puis de l'amant jaloux, mais Poelvoorde reste trop agité pour être crédible dans ce genre de rôle. En ce qui concerne le troisième maillon de la chaine, Boy... bof. Nivola nous offre un Arthur Capel mollasson au possible, alors qu'il est suposé être un homme à poigne, près à tout pour se remplir les fouilles.

audrey_coco5

Passons maintenant à l'adaptation.

Dès le début du film, on nous précise bien : "librement inspiré". Est-ce que cet innocent adjectif doit autoriser la réalisatrice à réinventer l'histoire de Gabrielle Chanel, en changeant certains faits ou en en supprimant d'autres ? Coco avant chanel est truffé d'erreurs, de réinterprétations, de traficottages. Je ne vais pas vous refaire tout le film, cela serait idiot et inutile, mais vous parler de ce qui m'a sauté aux yeux.

Anne Fontaine nous laisse penser que Gabrielle arrive à Royallieu tel un parasite. Elle dit à Balsan en arrivant sur sa propriété qu'elle venait voir sa soeur dans le coin mais que ne se souvenant plus de son adresse elle avait décidé de venir le voir, lui. Celui-ci l'autorise alors à rester chez lui pour une courte durée (deux jours je crois) puis Gabrielle s'incruste véritablement. On n'a alors pas du tout l'impression que l'idée d'héberger Gabrielle enchante Balsan, qui cherche à plusieurs reprises à se débarrasser d'elle.

Dans la biographie écrite par Edmonde Charles-Roux, les choses ne se passent pas du tout de cette manière : avant qu'il ne quitte Moulins, Gabrielle demande (ironiquement ?) à Balsan s'il n'aurait pas besoin d'un apprenti à Royallieu et celui-ci lui répond quelque chose comme "ah ! La petite Coco veut s'intéresser aux chevaux ! Qu'on l'emmène avec nous !" Et voilà notre Gabrielle en route vers Royallieu avec la bénédiction de Balsan. Cette réinterprétation de la réalité n'est pas anodine puisque Gabrielle passe d'une jeune femme culottée, qui tente sa chance pour se rapprocher de Paris, à une vraie plaie !

Par ailleurs, le film nous montre que Boy offre à Gabrielle sa chance de devenir une grande modiste, puis couturière, en finançant sa première boutique. En réalité, même si Boy croit davantage aux vertus du travail que Balsan, c'est ce dernier qui offre à Gabrielle sa chance en lui prêtant sa garçonnière boulevard Malesherbes pour qu'elle en fasse son premier atelier. Balsan est un feinéant qui ne pense qu'aux chevaux, et il est vrai que sans Capel pour appuyer les propos de Gabrielle, Balsan n'aurait jamais cru en elle. Il n'en est pas moins celui grâce à qui Gabrielle a pu prendre son envol ! Rendons à César...

Ce qui m'a également choquée dans le film, c'est qu'à aucun moment Anne Fontaine nous montre la guerre ! Ba oui, quand même, c'est pas rien une guerre mondiale ! D'autant plus que Gabrielle en tira profit...

En effet, Boy l'a aidée à ouvrir une boutique à Deauville (cette ville tient un rôle bien plus important dans la création de l'empire Chanel que le film tente de nous faire croire), qui restera l'une des rares boutiques ouvertes alors que la guerre est déclarée. De ce fait, toutes les grandes dames -on sait bien que les riches ont tendance à porter des oeillères- qui continuent à prendre du bon temps en bord de mer -pendant que de pauvres bougres tentent de défendre le pays- se rendent dans sa boutique. Et c'est ainsi qu'elle se fait une petite réputation. Ensuite, Gabrielle ouvrira une boutique à Biarritz, puis à Paris, rue Cambon.

CHANEL_Boutique_Cambon_001

Le dernier point sur lequel j'aimerais revenir est la mort d'Arthur Capel. Dans le film, son accident de voiture survient alors qu'il vient de quitter temporairement Gabrielle, transi d'amour. Or, dans sa biographie, Edmonde Charles-Roux précise qu'on n'a jamais su si Boy quittait Gabrielle pour leur trouver une petite maison où passer leurs prochaines vacances ou si, au contraire, il souhaitait mettre le maximum de distance entre eux, afin de la quitter définitivement. Rappelons que Boy s'est marié ! Le film  nous ferait presque oublier qu'il n'appartient pas à Gabrielle, et pourtant, d'après l'ouvrage, celle-ci est totalement dévastée par cette nouvelle, et noie son chagrin dans les bras de dizaines d'amants. Bien sûr, Anne Fontaine a dû faire un choix entre ces deux versions et elle a choisi la plus romantique. Mais il y a un fait auquel elle aurait pu rester entièrement fidèle : l'annonce de la mort de Boy à Gabrielle. Dans le film, Gabrielle se trouve au théâtre, rayonnnante, entourée de toute sa petite bande (dont Balsan), et c'est sa soeur Adrienne qui lui annonce la mauvaise nouvelle. En réalité, Gabrielle se trouve chez elle, et c'est son major d'homme qui, en plein milieu de la nuit, est chargé de la mission. Si je comprends qu'Anne Fontaine ait été obligée de faire un choix concernant la mort de Boy, je n'arrive pas à comprendre comment elle peut transformer la vérité à ce point en ce qui concerne la révélation de sa mort à Gabrielle ! A quoi cela sert-t-il de se lancer dans la réalisation d'un biopic si c'est pour réécrire l'histoire ?

Cette très libre interprétation n'est donc pas du tout à la hauteur du parcours accompli par Gabrielle Chanel et ne rend pas hommage à la femme qu'elle a été. Le film d'Anne Fontaine lui donne une image de courtisane, arriviste, qui choisi la couture comme elle avait choisi avant ça le chant.

Il y a tout de même quelques points positifs à retenir.

Anne Fontaine a su mettre en avant certains traits de caractère de Gabrielle : elle est butée, insolente, prétentieuse et surtout affabulatrice ! Elle est si honteuse d'avoir été abandonnée par son père, d'être issue d'une famille de cabarétiers, tous alcooliques, passant leur temps à tromper leurs femmes, qu'elle n'aura de cesse, tout au long de sa vie, de réécrire son histoire (en cela, elle est proche d'Anne Fontaine... !) Aussi, on peut la voir dans le film raconter à Balsan que son père a fait fortune en Amérique ! Autre facette de la personnalité de Gabrielle bien mise en valeur dans le film : son côté "je sais tout mieux que tout le monde et personne n'est aussi bien que moi". L'ouvrage d'Edmonde Charles-Roux nous montre une femme très hautaine, presque méchante, au caractère vraiment très difficile et surtout qui n'admet aucune erreur, aucun faux pas de la part d'autrui.

Enfin, j'ai beaucoup aimé la manière dont Anne Fontaine a mis en scène la genèse de l'esprit Chanel. Dès le début, on voit que Gabrielle a des idées bien arrêtées sur la mode : c'est le vêtement qui doit s'adapter au corps et non l'inverse. Aussi, elle n'a jamais hésité à s'inspirer de la mode masculine, ni même à piocher dans le dressing de ses amants !

Néanmoins, un dernier petit détail qui n'en est pas un, m'a interpellée. Gabrielle ne découvre pas le jersey grâce aux vêtements de Boy. Elle découvre ce tissu grâce à un fournisseur, qui ne veut pas le lui vendre le jugeant impossible à travailler. Gabrielle domptera tant bien que mal le jersey et en fera The Charming chemise dress qui la fera connaître outre-atlantique ! C'est une aventure bien plus passionnante que la banale anecdote dont nous gratifie Anne Fontaine, non ? !

chanel

Il ressort de ce film la difficulté de s'attaquer à un biopic. Anne Fontaine s'était pourtant facilité la tâche en choisissant de se consacrer aux jeunes années de Gabrielle, elle aurait alors pu faire l'effort de nous proposer un film instructif ! Coco avant Chanel est donc à prendre comme un simple divertissement et non comme un véritable biopic. Si votre souhait est d'en savoir plus sur Gabrielle Chanel, foncez sur l'ouvrage de référence : L'irrégulière, ou mon itinéraire Chanel, d'Edmonde Charles-Roux.

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Commentaires
E
Je n'aurais pas dit mieux :)))<br /> On a la Chanel Touch, voilà tout !
F
Mais oui, nous sommes des "pinailleuses" et fières de l'être ! D'ailleurs Mademoiselle Chanel en était ! Alors soyons juste ce que nous sommes et pinaillons si celà est nécessaire et Dieu sait que l'époque s'y prête !
E
Oui, on verra peut-être mieux avec le prochain film ! D'ailleurs, j'ai arrêté ma lecture au moment de sa rencontre avec Stravinsky afin de la reprendre juste quelque temps avant la sortie du film avec Anna Mouglalis.<br /> Je suis contente de voir que je ne suis pas la seule lectrice insatisfaite, au moins ça prouve que je ne joue pas la "pinailleuse de service !"<br /> Bien qu'Anne Fontaine ait choisi de concentrer son film sur quelques années de la vie de Coco, il aurait en effet fallu quelques dizaines de minutes supplémentaires pour que l'adaptation soit fidèle à la biographie de référence. A condition toutefois de faire des efforts au niveau de la réalisation !
F
Je suis moi aussi dans le livre de E. Charles-Roux<br /> et je suis entièrement d'accord avec ces remarques. Je suis ravie de voir que je ne suis pas la seule à me lamenter sur la "pauvre" adaptation de ce livre. Le personnage est trop fort et l'époque trop riche ! Il aurait fallu consacrer au moins 3 heures à cette première époque Chanel ! Enfin ... on verra peut-être mieux !
E
Ahahaha !!!!! Y'a vraiment des tarés ! Depuis que je vais au ciné plus souvent -merci la carte illimitée- j'ai des tonnes d'anecdotes de ce genre. A croire que tous les givrés passent leur temps dans les salles obscures... ce qui n'est pas bon pour nous !<br /> <br /> Lorsque j'ai vu "La petite maison dans la prairie" (!), j'ai eu droit à la -presque- partie de jambes en l'air... Sympa les gros bruits de succion pendant que l'actrice hurle à la mort ! En plus, ces gros cons n'ont même pas assumé puisqu'ils sont partis genre dix minutes avant la fin du film pour pas qu'on voit leurs tronches je suppose.<br /> Si j'avais eu un seau d'eau sous la main... !
Vilaine Fifi
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