Songes, au théâtre national de Chaillot
Quel est l'intérêt de vous parler d'un ballet dont la dernière a eu lieu vendredi soir ? Et bien tout simplement de vous donner envie de découvrir le travail de la chorégraphe française Béatrice Massin qui m'a littéralement transportée.
Songes fut, en effet, une véritable bouffée d'air frais après le pesant Neige auquel j'ai assisté il y a deux semaines.
Pourtant, j'avoue avoir connu quelques minutes de frayeur lorsque le rideau s'est ouvert.
Alors qu'une fine brume blanche tapisse la scène du théâtre, une danseuse la traverse en diagonale, à petits pas lents, rejointe par une puis deux, puis huit silhouettes. Ils sont alors neuf en tout, trois danseuses et six danseurs, et ils mettent un temps infini à traverser cette fichue scène que seule la sublime musique qui les accompagnent permet de supporter.
Neige 2 le retour ? Oh non !! Car une fois passé ce premier tableau laborieux à mes yeux, la magie opère enfin !
Formée à la danse contemporaine, Béatrice Massin devient, aux côtés de Francine Lancelot, une spécialiste de la danse baroque et fonde en 1993 sa propre compagnie Les Fêtes Galantes. Aussi, Songes est totalement empreint de ces deux courants pour un résultat véritablement enchanteur.
Lorsque la brume blanche s'estompe, c'est pour laisser place à un ciel bleu et paisible, comme ceux qui ornent les plafonds des salles luxueuses, et les danseurs prennent soudain l'apparence de petits êtres célestes. Je ne saurais dire si Songes raconte une histoire mais pendant toute sa durée, je me suis imaginée au paradis, espionnant à travers les nuages des anges facétieux. Ceux-ci font la fête, dansent comme on le faisait à la Cour, ponctuant leur gestuelle baroque de quelques délirantes touches contemporaines. C'est précisément ce qui m'a plu dans cette chorégraphie : Béatrice Massin a réussi à réinventer la danse baroque en lui donnant une dimension plus moderne. La danse contemporaine souvent assez hermétique devient ici bien plus accessible adoucit par le charme et la délicatesse des mouvements baroques. Ce ballet m'a alors fait penser aux créations contemporaines qui s'installent pour un temps dans les majestueux jardins du château de Versailles. Tout d'abord on s'étonne de cette association presque inconvenante avant de constater qu'elle fonctionne plutôt pas mal !
En plus de cet audacieux mélange, Songes a pour lui une scénographie et des costumes magnifiques. Alors que le sol est devenu ciel, des miroirs orientés de différentes manières nous en offrent de multiples vues, nous donnant alors l'impression d'avoir quitté la Terre. Les danseurs, qui y évoluent le plus souvent dans des justaucorps de couleur mauve, revêtent à certaines occasions de belles robes à longue traîne de couleur jaune, les transformant alors en soleil.
Mais bien entendu, ce voyage au septième ciel ne serait rien sans la superbe musique qui le rythme : des compositions de Lully, Vivaldi et Purcell -entre autres- qui nous transportent à une autre époque, dans un autre monde.
Un moment d'une grande pureté, empreint de poésie et de liberté, de modernité et de joie. Juste inoubliable.