Le Prince de verre, au théâtre national de Chaillot
Comme je vous le disais en début de semaine dernière, j'ai assisté dernièrement à un très beau spectacle de danse au TNC, toujours dans le cadre de son thème annuel : le merveilleux.
Le Prince de verre est une création du tandem Brumachon/ Lamarche qui prend son origine dans un roman écrit par ce dernier.
La genèse de ce spectacle avait donc tout pour me plaire car j'aime beaucoup l'idée de créer une oeuvre "vivante" à partir d'une autre disons inanimée, qui ne prend vie que dans notre imagination. Ensuite, l'histoire qui unit les deux artistes, Brumachon et Lamarche, est très intéressante puisque les deux hommes travaillent ensemble depuis plus de vingt-cinq ans et co-dirigent le Centre chorégraphique national de danse de Nantes depuis 1996. Ce genre de collaboration à très long terme donne toujours aux oeuvres un petit supplément d'âme (il n'y a qu'à voir les films de Tim Burton mettant en scène son ami Johnny Depp).
Mais que dire de ce Prince de verre en particulier ?
Ma foi... Je suis sortie de la salle sans voix ! Assise au premier rang (j'ai trop de bol avec la salle Grémier), j'ai encore une fois pu profiter du spectacle comme s'il était donné rien que pour moi. N'ayant pas lu le roman de Lamarche et ne m'étant pas tellement penchée sur le sujet du Prince de verre, je dois avouer que le début m'a laissée perplexe puisque je n'arrivais pas à cerner l'histoire, à identifier les personnages, à comprendre leur rôle et leur but. J'ai donc cessé de trop y réflechir pour me concentrer seulement sur la danse. Et là, j'ai découvert un autre monde à travers le travail de Brumachon et Lamarche qui proposent un style d'une très grande intensité. La chorégraphie du Prince de verre est, en effet, très éprouvante, presque violente. Les danseurs sont sans cesse en mouvement, parfois enfermés dans une gestuelle répétitive ou apparaissent comme possédés par leur art. Quoi qu'il en soit, ils donnent vraiment tout ce qu'ils ont, toute leur énergie, tout leur talent, leur âme et leurs tripes. Certains passages -la chorégraphie, tout comme un livre, se compose de plusieurs chapitres marqués par d'ingénueux et discrets changements de décor- m'ont paradoxalement vidée physiquement et remplie d'énergie, comme si les danseurs parvenaient à nous faire partager leurs sensations, à nous les transmettre.
C'est vraiment la première fois qu'un ballet me fait cet effet. Habituellement, je peux être émue, charmée ou déçue, là, j'ai véritablement été touchée, physiquement. Pour ce qui est de l'histoire, j'ai finalement réussi à la comprendre dès que j'ai cessé d'y penser, de manière instinctive. Il est question dans cette création sous forme de conte épique, d'un voyage initiatique mené par un jeune homme, un jeune prince, découvrant subitement qu'il est en verre. Il va alors traverser plusieurs étapes, rencontrer divers personnages, évoquant à travers différents tableaux des matériaux, bruts ou précieux. Il y a donc dans ce spectacle une dimension autant psychologique que physique, onirique et organique.
Le Prince de verre m'a donc énormément plu pour cette raison mais aussi pour sa bande-originale (c'est vraiment le terme qui convient), extrêmement riche et variée, faisant toutefois la part belle à des sons électro forts, répétitifs, prenants, quasiment somatiques, en parfaite adéquation avec la brutalité mesurée de la chorégraphie.
Enfin, les costumes que l'on découvre tout au long de cette création sont aussi nombreux que créatifs. Imaginez, six des personnages en changent pour chaque apparition ! Je regrette de ne pas avoir trouvé de photos sur le Net car je serais bien incapable de les décrire tous, mais j'ai été marquée par l'une des robes portée par une des deux danseuses, une magnifique crinoline recouverte de feuilles automnales. Magique !
Même si je pense que le style de Brumachon et Lamarche doit en laisser plus d'un assez perplexe, je ne peux que vous encourager à le découvrir à travers ce spectacle ou une autres de leurs créations.