Le musée d'Orsay à l'heure italienne
Cela va devenir une habitude ici de rédiger des billets inutiles parlant d'événements déjà terminés. En effet, les expositions sur l'Italie proposées par le musée d'Orsay depuis plusieurs mois ont fermé leurs portes dimanche. Comme cela m'arrive trop souvent, je suis allée les visiter à la -presque- dernière minute, vendredi après-midi. Même s'il est vraiment trop tard pour les retardataires, je vais vous en dire quelques mots, histoire d'échanger un peu avec ceux qui se sont réveillés à temps et de permettre à ceux qui n'ont pas pu se déplacer d'en savoir un peu plus.
Voir l'Italie et mourir.
Avec cette exposition, le musée d'Orsay a probablement trouvé l'intitulé le plus intrigant et le plus attirant de toute l'histoire des musées. Mais que cachent cette typographie et ces quelques mots envoûtants ? Une très belle exposition, qui mêle peintures et photographies, qui nous offre de magnifiques vues de l'Italie mais également un parcours intéressant et très enrichissant qui nous permet d'apprendre beaucoup de choses sur l'histoire de la photographie, sur la manière dont l'Italie était perçue par ses visiteurs du XIX° et bien sûr, sur l'histoire du pays même.
Liée à l'histoire de la photographie, cette exposition en sept étapes commence par nous présenter l'Italie des peintres, fascinés par ses paysages et ses monuments.
Dès 1839, l'invention du daguerréotype donne aux représentations de l'Italie une dimension beaucoup plus réaliste et précise qui annonce les futurs travaux des photographes qui proposeront moins une Italie fantasmée qu'un pays bouleversé et bouleversant.
Camille Corot, Vue sur le Colisé, 1826.
Carlo Naya, Venise au clair de lune, vers 1875.
En effet, deux salles m'ont vraiment intéressée, puisqu'on laisse ici le côté "touristique" de l'exposition pour s'intéresser davantage à l'Histoire de l'Italie, ce qui nous permet de découvrir un autre de ses visages, moins joyeux mais finalement plus réaliste. J'ai enfin compris, après avoir entendu ce mot dans la bouche d'une amie étudiante en italien pendant des années, ce qu'était vraiment le Risorgimento. L'Italie morcelée en sept états puis la reconquête de son unité. Napoléon III, Garibaldi, Les Chemises rouges. Le tout illustré par les très touchantes photos de Gustave Le Gray, qui nous invitent à découvrir une Italie détruite, en ruines.
Le parcours de l'exposition se fait toujours plus documentaire que touristique avec une salle consacrée à l'archéologie. On y découvre bien sûr des photos de sites archéologiques mais surtout du Vésuve en éruption et de corps piégés dans la lave. Ces photographies de Giorgio Sommer sont très loin du romantisme caractérisant les peintures qui nous accueillent en début de parcours. L'Italie se fait ici plus menaçante, plus sombre.
Giorgio Sommer, Eruption du Vésuve, 26 avril 1872.
Giorgio Sommer, Pompei, empreinte humaine, 1868.
L'exposition se termine sur une touche plus gaie, avec des photos du peuple italien servant de modèles aux artistes. On constate ici que ces modèles sont perçus par les artistes de deux manière différente : ils voient en eux des gens proches de la nature, encore épargnés par la modernité, mais cela leur inspire également de la condescendance pour ces gens qu'ils considèrent alors comme de simples paysans. Les photographies produites sont alors très stéréotypées et pour cause, certaines scènes sont carrément reconstituées. On revient donc ici à l'Italie des peintres, une Italie fantasmée, touristique, pittoresque.
Edmonde Lebel, Petite marchande de figues, 1863-1869.
Cette dernière partie de l'exposition m'a permis d'enchaîner tout naturellement avec celle consacrée aux Italiennes modèles.
Italiennes modèles : Hébert et les paysans du Latium, bien qu'intéressante restera pour moi une exposition anecdotique. En effet, il s'agissait pour le musée de rendre hommage au peintre Ernest Hébert (pour le centenaire de sa mort) en nous faisant (re)découvrir son travail. Personnellement, il s'agissait d'une découverte, j'étais donc très intéressée de voir comment était montré par Hébert le peuple italien qui n'apparait plus comme un peuple de paysans primitifs mais comme des travailleurs marquées par la vie, au regard profond et à la personnalité forte. On découvre alors que certaines femmes et petites filles peintes par Hébert sont devenues des modèles professionnels, quittant l'hiver durant leurs terres pour l'atelier d'Hébert à la Villa Médicis, ou même Paris.
Deux expositions très différentes donc mais aussi complémentaires que j'ai été ravie de pouvoir visiter. Je trouve assez injuste de les voir réduites à de simples expositions touristiques qui "donnent envie de voyager", elles étaient bien plus que cela, en nous confrontant à une Italie vraie, sincère, une Italie qui a souffert, qui est bien plus qu'un joli pays à visiter.
Je vous reparle très vite du musée d'Orsay, cette fois à des fins plus utiles !