Les films du mois de mai, partie II
A quelques jours de la cérémonie de clôture du festival de Cannes et de la révélation du Palmarès 2011 -je pense qu'il est même possible de compter en heures sans sortir son boulier- je ne pouvais pas laisser la semaine s'achever sans vous proposer un petit billet ciné.
C'est que la sélection officielle de l'édition 2011 du Festival mérite tous les honneurs : pour la première fois dans l'histoire de ma courte vie, j'ai une envie folle de découvrir sur grand écran absolument tous les films en compétition. On peut, en effet, compter sur quelques valeurs sûres : La piel que habito d'Almodovar, Le Gamin au vélo des frères Dardenne, Le Havre de Kaurismäki, mais plusieurs autres réalisations se présentent comme d'excitants projets, à commencer par The Artist d'Hazanavicius, Sleeping Beauty de Julia Leigh ou encore Polisse de Maïwenn. Je ne vous cache pas que ce fort enthousiasme ne m'empêche pas d'espérer que certains noms sortiront du lot : Sean Penn, pour This must be the place, Tilda Swinton, pour We need to talk about Kevin et Lars Von Trier, pour son génie. Oui. en dépit de, bien que, malgré,... je soutiens l'excellent réalisateur danois qui paye cher, à mon sens, son goût de la provoc'. Putain, est-ce qu'on va me traiter de collabo pour avoir écrit ça ?
Rendez-vous dimanche soir pour le verdict. En attendant, place à mes dernières découvertes.
La Solitude des nombres premiers, de Saverio Constanzo
Plusieurs mois que j'attendais la sortie de cette adaptation du roman de Paolo Giordano, petit miracle de la littérature italienne découvert l'an passé. Il m'avait fallu beaucoup de temps pour me relever de cette lecture, pour laisser filer Alice et Mattia, accepter qu'ils retournent vivre leur vie entre les lignes magnifiquement tracées par l'auteur. Bouleversée autant par leur personnalité que par leur destin, je n'ai jamais réussi à écrire le moindre mot sur ce blog pour partager avec vous cet immense coup de coeur. Moi, sans voix. Vous imaginez ?! Alice et Mattia, les deux moitiés abîmées d'un tout imparfait, deux êtres marqués par un événement tragique, survenu dans leur enfance, faisant d'eux des adolescents introvertis, des adultes imperméables aux émotions. Chacun plongé dans une solitude morbide, ils ne peuvent être heureux qu'ensemble mais semblent incapables de jouir d'un bonheur illusoire : ils ont déjà trop vécu, trop souffert pour croire que la vie sait parfois être clémente. Enfermés dans des corps qu'ils maltraitent pour se prouver qu'ils existent, ils n'ont de cesse de se séparer pour se retrouver, de se détruire pour espérer se reconstruire. Des personnages fatalement attachants dans leur complexité que l'on prend plaisir à découvrir au fil des ans. C'est à cette insondable complexité que s'est accroché le réalisateur pour adapter le récit chronologique que nous offrait Giordano. Costanzo nous propose alors un film-puzzle à la chronologie éclatée qui, bien loin de servir le fond, le dilue jusqu'à l'extrême limite : l'ennui. Cette mise en scène emphatique, agaçante, est néanmoins compensée par une certaine maîtrise du sujet et une inventivité louable mettant idéalement en lumière la métamorphose des corps des personnages, incarnés par des acteurs éblouissants. Un dernier mot quant aux regrettables infidélités faites au récit originel et aux trop nombreuses zones d'ombre : il FAUT à tout prix lire le roman !
L'Homme d'à-côté, de Mariano Cohn et Gaston Duprat
Cinq fois récompensé aux Premios Sur, notamment en tant que Meilleur film de l'année, L'Homme d'à-côté est une nouvelle illustration du bonheur que nous réserve le cinéma argentin chaque fois qu'il passe nos frontières. Comédie grinçante et cruelle, ce film -à l'instar d'autres pépites venues d'Argentine, La femme sans tête en tête- propose une vision allégorique de la société argentine, entre jubilatoire querelle de voisinnage et indomptable lutte des classes. Mettant en scène deux personnages que tout oppose, l'antipathique bobo de service (son home sweet home n'est autre que la maison Curutchet signée Le Corbusier en personne) et son voisin, extrêmement sympathique mais quelque peu oublieux des bonnes manières, ce film joue très finement avec le rapport dominant/ dominé, obligeant l'incarnation de l'élite sociale à fermer un peu son clapet face à la demande la plus saine et simple qui soit : un petit rayon de soleil. Une très belle découverte, hautement recommandable.
De l'eau pour les éléphants, de Francis Lawrence
Sorti la même semaine que La solitude des nombres premiers et La Ballade de l'impossible, De l'eau pour les éléphants, adapté du roman de Sara Gruen, est un cadeau de noël printanier, que l'on déballe avec un plaisir parfois coupable mais toujours plus vif, chaque rebondissement -certes, prévisible- est une nouvelle boucle de ruban que l'on dénoue en frétillant, chaque secret révélé est un nouveau pan de papier de soie minutieusement ôté. Et c'est lorsqu'on commence à apercevoir ce que renferme le précieux emballage, lorsqu'on se doute fortement de ce qu'il dissimule, qu'on fait l'effort de se contenir, de se retenir de tout arracher, profitant du bonheur rare de retomber en enfance. Fresque kitsch et néanmoins stylée, De l'eau pour les éléphants nous fait aisément oublier ses quelques défauts (prévisible, manichéen, convenu,... sont quelques adjectifs que placerait très volontiers un critique désenchanté), en nous offrant un spectacle féerique et flamboyant sur lequel règnent romance, mystères et tragédie. Une très belle surprise.
Où va la nuit, de Martin Provost
Seconde collaboration du duo Provost/ Moreau, après le succès de Séraphine, Où va la nuit est un film qui ne pouvait qu'être attendu par les curieux dont je suis. Très différents l'un de l'autre, les deux films du réalisateur ont tout de même pour mission commune de nous faire découvrir deux destins, deux femmes rabaissées qui tentent à tout prix de trouver le chemin de la liberté. La planche de salut de Séraphine aura été la peinture. Celle de Rose Mayer, l'assassinat, celui d'un mari violent, chauffard de son état, qu'on verrait bien se balancer au bout d'une corde un soir de pleine lune. Personnage d'apparence très simple -taiseuse comme on n'en fait plus- Rose se révèle au fil de son parcours aussi complexe que fascinante, parallèlement au film qui de drame social se fait peu à peu polar. Un écrin sur-mesure pour une Yolande Moreau fidèle à elle-même : en un mot magnifique. A voir !
On se retrouve la semaine prochaine avec, au programme : Minuit à Paris, vu dès la première séance, mercredi dernier, 20 heures tapantes, que je retourne voir avec la même excitation ce soir. C'est dire si j'ai été emballée par le malicieux Woody. Egalement La Ballade de l'impossible et L'oeil invisible (deux réussites). Et du côté des nouveautés, deux films que l'on retrouve dans la sélection cannoise : The tree of life et Le Gamin au vélo.
En attendant que je me décide à publier la suite de mes modestes critiques, je vous invite à découvrir les siennes, qui feraient presque vaciller mon ego de nombriliste-narcissique notoire ;)