Et si les arbres se meurent, allons couper du bois
Selon certaines théories, l'amour ne serait rien d'autre qu'un processus chimique, un mécanisme biologique qui se gripperait au bout de trois ans, le temps nécessaire pour que les "amoureux" reprennent les rênes de leurs cerveaux désensibilisés. Foutaises ? Allez savoir. Ce qui est sûr, alors que le mois de septembre approche et que je n'ai pas mis le nez ici depuis le 27 mai, est que ce blog, mon petit espace virtuel autrefois régulièrement alimenté, s'apprête à souffler sa troisième bougie.
Trois ans.
Etait-il venu le temps de "faire une pause", de "faire le point", de "prendre du recul", de faire ce fameux "break" que s'imposent parfois les couples pour mieux se retrouver ? Sans nul doute. Au cours de mon long silence totalement imprévu (trois mois de réflexion pour une relation de trois ans est un calcul d'une précision redoutable qui aurait probablement plu à Charlotte York), j'ai envisagé assez sérieusement de ne plus bloguer, de publier un dernier article et de débarrasser le plancher. Mais, dans ma Ford intérieure, je ne pouvais admettre une séparation claire et définitive : l'amour dure trois ans, peut-être, mais la tendresse, bordel !
Alors me revoici, me revoilà avec un article dont je ne sais rien pour l'instant, ni de son fond, ni de sa forme, mais que j'ai laissé mûrir suffisamment longtemps en moi pour avoir envie de l'écrire, de le publier et de le partager avec vous. C'est que vous m'avez manqué, bande de scélérats !
Cependant, revenir sur trois mois d'activités parisiennes me semblent aussi insurmontable que nécessaire : tant de découvertes et de coups de coeur, de films, d'expos et de bonnes adresses, de rencontres, de concerts et de déambulations dont j'aimerais dire plus de deux ou trois mots, pour le plaisir du partage -même virtuel- et de l'écriture. Mais comment faire ?
Une petite rétro en images vous tenterait ? Ok, je vais voir ce que je peux faire.
Côté ciné.
Hum, hum. Très gros dossier -vous imaginez bien !- puisque depuis mon dernier billet consacré au cinéma, j'ai vu une petite cinquantaine de films. C'est qu'on ne se tourne pas les pouces par ici, voyez-vous. Impossible donc de tous les évoquer mais un petit retour sur certains s'impose, notamment sur les plus bouleversants, au sens fort, ceux qui nous construisent comme nous construisent les belles rencontres. Je pense, sans avoir à y réfléchir plus longuement, à The Tree of Life de Terrence Malick, oeuvre sublime qui m'a touchée intimement tout en m'offrant une indispensable leçon de cinéma, la promesse que certains réalisateurs, petits ou grands, peuvent encore nous faire vibrer.
Vient ensuite une révélation, la pétillante Valérie Donzelli que j'ai découverte tardivement en DVD avec La Reine de pommes et qui aura enchanté mon été avec pas moins de quatre films en tant qu'actrice : Belleville Tokyo, Pourquoi tu pleures ? (avec Benjamin Biolay ^^), En Ville (qui m'a éblouie comme l'avaient fait Belle Epine ou encore Des filles en noir) et L'Art de séduire. Au milieu de cette filmographie estivale d'un intérêt inégal, un miracle, pour lequel elle a oeuvré derrière et devant la caméra, en compagnie de son complice Jérémie Elkaïm, La guerre est déclarée, en salles le 31 août. J'ai eu la chance de le voir en avant-première début juin et ne peux que vanter le talent et la fraîcheur de Valérie Donzelli qui parvient, par l'alliance d'un scénario d'une grande force et d'une réalisation d'une précieuse intelligence, à faire d'une expérience dramatique un hymne à la vie, une leçon d'optimisme. Je vous renvoie pour l'occasion vers le billet-ciné d'un fidèle admirateur et soutien de Mademoiselle Donzelli qui vous permettra de tout savoir sur ses derniers films.
Cet été a été propice aux reprises grâce, notamment, au Max Linder, très belle salle où j'ai maintenant pris mes habitudes. Badlands, premier film de Terrence Malick, Nashville de Robert Altman et Bird de Clint Eastwood, ont généreusement occupé mes dimanches, tandis que L'Arlequin m'a permis d'appréhender l'univers de Bunuel par deux voies fort différentes : Le journal d'une femme de chambre et Le charme discret de la bourgeoisie (tomber amoureuse de Jean-Pierre Cassel : check). Le mois de juillet a également été marqué par la (re)découverte de l'envoûtant Deep End du cinéaste polonais Skolimowski, film sur l'adolescence dans lequel fantasmes sexuels et esthétique pop 70's se mêlent dans une atmosphère troublante. Enfin, la possibilité de voir en salle Vivre sa vie et Le Mépris m'a amenée à découvrir le cinéma de Godard, dont je poursuis l'exploration en DVD, @home.
Si ces deux dernières années m'avaient déjà donné l'occasion de me familiariser avec le cinéma argentin, la saison printemps-été m'en a confirmé l'adresse et la vigueur grâce à des films que je vous recommande sincèrement tels L'Oeil invisible, L'Absent et surtout Medianeras, comédie romantico-sociale qui mêle, avec humour et sensibilité, architecture et relations humaines. Pas banal ! Autres chouettes souvenirs filmesques, en vrac : le petit bijou de Michel Ocelot, Les Contes de la nuit, qui m'a séduite avec ses ombres chinoises captivantes, poétiques et délicates, Chico et Rita, histoire d'amour colorée et rythmée entre un jeune pianiste et une chanteuse toute en courbes et en caractère, dans le Cuba des années 50, La Mujer sin piano, ou la révolte nocturne et silencieuse d'une femme rongée par le quotidien, The Trip et Submarine, illustrations réjouissantes de l'humour britannique, J'ai rencontré le diable et The Murderer, petits meurtres entre amis coréens, Too Much Pussy, documentaire brouillon-bruyant et néanmoins sympathique sur des filles qui en ont. Et tout, et tout.
Voyager à travers le monde et les époques grâce au cinéma nous aura permis, à mon Eminence grise et moi-même, de constater une très forte tendance à la mélancolie. Du Brésil au Japon, des années soixante à aujourd'hui, la jeunesse semble dans un état proche de l'Ohio, moral à zéro, etc. La Ballade de l'impossible, Play a song for me, Un amour de jeunesse, Blue Valentine, Beginners, entre autres, nous ont préparés tout l'été à accueillir le cataclysmique Melancholia de Lars Von Trier.
Riche en découvertes, la belle saison était donc celle des grands réalisateurs puisqu'aux côtés de Terrence Malick, on peut citer Woody Allen qui m'a émerveillée avec sa vision fantasque et jouissive de la plus belle ville du monde, Almodovar et son adaptation d'un roman de Thierry Jonquet, La Mygale, devenue, après un long séjour de neuf années dans l'esprit complexe de Don Pedro le très malsain La piel que habito, habitée par le charismatique Antonio Banderas, épatant dans son rôle de chirurgien maniaque et Christophe Honoré accompagné de ses acteurs biens-aimés qui viennent, il y a quelques heures à peine, de me faire passer de la plus pure allégresse (la scène d'ouverture est un bonheur) aux sanglots vainement étouffés. Pour le plaisir de le citer une seconde fois, Lars Von Trier, autoproclamé "plus grand réalisateur du monde" en 2009, alors qu'il présentait son chef-d'oeuvre Antichrist, nous a donc offert début août son film le plus lumineux, où se toisent et s'apprivoisent désespoir et sérénité, où s'illustrent à merveille le désir d'absolu et la force unique des désespérés. Voluptueuse et hypnotique, l'Apocalypse selon Saint Lars est sans doute la meilleure chose qui pourrait nous arriver.
Côté expositions.
Si les salles obscures ont été des amies accueillantes ces dernières semaines, je ne peux pas en dire autant des musées puisque peu d'expositions parmi celles proposées me tentaient. Difficile, moi ? Non, juste overdosée des impressionnistes franco-français qui, lorsqu'ils ne déjeunent pas sur l'herbe s'extasient devant des nénuphars. Boring. Curieuse (et de mauvaise foi) j'ai tout de même traîné mes chaussures trouées jusqu'au musée d'Orsay pour constater que, oui, en effet, Manet peint joliment de jolies choses. Mouai. Petite pause au milieu de semaines météorologiquement tristounes, l'instauration très personnelle du "mercredi soir au Louvre" afin d'explorer les trois expositions du moment Rembrandt et la figure du Christ, Claude Le Lorrain, dessinateur face à la nature et Le papier à l'oeuvre, deux enrichissantes surprises et une petite déception pour une nouvelle routine parisienne d'une inestimable valeur sentimentale qui se reprendra dès la rentrée grâce à ma carte jeune récemment renouvelée. Bouffée d'air frais avant un week-end caniculaire, c'est le musée du Jeu de Paume qui m'aura offert mes plus belles émotions artistiques en mettant à l'honneur une artiste reconnue mais peu connue du grand public (comme il en existe tant d'autres), Claude Cahun, photographe-écrivaine passionnante et personnage attachant dont l'oeuvre protéiforme soulève d'intéressantes questions sur la notion de genre et la représentation de soi. Pour en savoir plus : click-click.
Côté scène.
Quelques concerts et spectacles ces dernières semaines mais plus encore à prévoir grâce aux alléchantes programmations des différents théâtres parisiens et surtout de l'Opéra Bastille-Garnier. J'en reparlerai en temps voulu, tout comme j'espère pouvoir revenir sur le spectacle In Paris (à Chaillot) alliant théâtre, danse, musique et vidéo, avec l'immense Mikhail Baryshnikov. Un rêve qui deviendra très prochainement réalité (t'ai-je suffisamment remercié ?).
Ce petit coup d'oeil dans le rétro m'invite néanmoins à citer quelques événements auxquels j'ai eu la chance d'assister comme la pièce Hitch, présentée au Lucernaire, proposant une variation autour du face à face Hitchcock-Truffaut. Un régal. Les Enfants du Paradis -heureuse surprise- a marqué ma dernière soirée à l'Opéra Garnier tandis que la saison 2010-2011 à Bastille s'est refermée sur la précieuse rencontre avec le chorégraphe anglais Wayne McGregor par le biais de son ballet L'Anatomie de la sensation (pour Francis Bacon), sensationnelle découverte (en dépit d'une petite frustration finale) approfondie grâce au documentaire Une pensée en mouvement, proposé par le ciné MK2 Bastille (et diffusé sur Arte fin juin). Dernière pièce en date, Attention peinture toujours fraîche, retraçant la vie personnelle et artistique de Frida Kahlo. Si j'ai été un peu déçue par l'ensemble (j'attendais cette pièce avec énormément d'impatience), j'ai été conquise par des choix de mise en scène audacieux et ingénieux, et émue d'avoir devant moi, grâce à la générosité de Lupe Velez, l'artiste mexicaine dont l'oeuvre et la personnalité me nourrissent depuis des années.
Côté lecture.
Peu de livres divertissants lus ces derniers temps sinon les tomes 4 et 5 des aventures suédoises d'Erica Falck, signées Camilla Läckberg. Plus la série avance, plus les intrigues se font prenantes, approfondies et obscures. La fin de L'oiseau de mauvais augure a été une terrible torture qui m'a poussé à sauter sur L'Enfant allemand avec la même fureur qu'un lapin Duracell en manque de LSD. Le peu de temps libre consacré à la lecture de loisir n'empêche pas l'achat compulsif d'ouvrages, comme ce petit bijou, L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet, de Reif Larsen, sorti au Livre de Poche dans une superbe édition qui respecte parfaitement l'ingéniosité et la beauté de cet objet qui, d'après les nombreuses critiques lues, enchante autant qu'il intrigue.
Côté girly.
Pas mal de sorties entre copines cet été, à commencer par le concert de The Pretty Reckless au Trianon, en compagnie de Livy, Princesse Rock'n'Glam devant l'Eternel. Verdict : Taylor Momsen, malgré son jeune âge et sa courte expérience, sait parfaitement ce qu'elle a à faire pour occuper l'espace et rendre son public totalement dingue. Poses lascives, attitude résolument rock, voix puissante et délicieusement éraillée, Little J. mène sa seconde carrière comme une grande. Autre temps fort de l'été, la venue de ma jolie July à Paris pour quelques jours de sorties culturo-gourmandes, dont les toutes dernières aventures d'Harry Potter sur grand écran -Bye bye Ron-Ron- et un chouette goûter à L'Atelier des gâteaux, agréable salon de thé à deux pas du Bon Marché (plus d'images chez July).
Enfin, dans la catégorie "il est toujours possible de régresser sans pour autant toucher le fond", une excellente journée aux côtés de ma copine Poleen à Eurodisney, pour quelques heures ensoleillées et bourrines à souhait. Exit le Small Small World abrutissant des poupées, sensations fortes, vitesse, looping, vrilles en folie étaient au rendez-vous grâce à des attractions inédites (pour nous) comme The Hollywood Tower Hotel et des incontournables : Indiana Jones et Space Mountain Mission 2. Je n'avais pas passé de journée semblable dans ce parc depuis ma jeune adolescence alors que j'usais de tous les moyens pour me mettre la tête dans les nuages. Radical pour relâcher la pression accumulée au cours d'une semaine stressante.
Côté travail.
Et oui, stress et travail n'étaient malheureusement pas les grands absents de mon été bien rempli. Mes objectifs du moment étaient, et sont encore, nombreux, et tous en rapport avec cette "fichue thèse". Ma troisième (et, j'espère, avant-dernière) année de doctorat devra être celle de la gloire intergalactique, comprenez celle au cours de laquelle je ne me consacrerai pas seulement à la redaction de quelques sous-parties (notez que je n'ai même pas l'optimisme de penser en parties complètes, entières et définitives) mais aussi à la rédaction d'articles et à la préparation de colloques. J'ai donc passé ces dernières semaines à écrire, ré-écrire, reprendre, supprimer, repenser une proposition d'article pour une revue scientifique féministe, proposition de trois cents mots devant présenter précisément un article non-écrit de vingt pages et censé révolutionner le joli petit monde de la recherche. Aheum. Grâce à une aide précieuse, le texte est envoyé et moi, je décède de trouille à chaque seconde, dans l'attente d'une réponse. L'annonce d'un important colloque international sur l'une de "mes écrivaines" a été accueillie par la jeune personne naïve et enthousiaste que je suis comme la possibilité de présenter enfin quelques-unes de mes brillantes réflexions. Sauf que le monde impitoyable de la recherche ne vaut pas mieux que le puant marché du travail et que pour oser espérer ouvrir la bouche pour autre chose qu'un bruyant baillement lors du fameux colloque, il faut avoir trois publications au compteur. Vous savez, le coup du premier job pour lequel il faut déjà avoir cinq ans d'expérience et maîtriser le Mandarin. Autrement dit, c'est pas gagné. Pour égayer mon année, je pourrai néanmoins compter sur mes chers étudiants puisqu'un TD m'a été confié. Joie et bonheur de passer plusieurs heures (car j'aurai plusieurs groupes à torturer) en compagnie de pauvres victimes sacrifiées sur l'autel de l'écriture essemessienne. J'avoue ne pas avoir eu le temps de sentir monter l'angoisse, même si je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant dans lequel des inconnus en veulent à ma vie. Mais je sais que dès que je serai lancée dans la préparation du programme (Exposés ou pas ? Imposer un sujet pour le devoir maison, bonne ou mauvaise idée ? Travailler sur des textes, oui, mais lesquels ?) et la mise en forme des cours, je ne serai plus en droit de me foutre du lapin Duracell en manque de LSD susmentionné. J'avais, jusqu'à mon inscription en doctorat, toujours rejeté la possibilité d'enseigner mais je dois dire que la perspective de passer de l'autre côté du bureau, au sein de l'université à laquelle j'appartiens depuis 2003, est un plaisir autant qu'un honneur même si je sais que je n'ai aucun mérite. C'est une nouvelle aventure qui commence.
Cet article fourre-tout touche à sa fin. J'espère ne pas avoir perdu quelques lecteurs en route et que ceux qui parviennent à garder les yeux ouverts ne regrettent pas déjà mon retour-éclair ! J'ai pris beaucoup de plaisir à le rédiger ; l'écriture bloguesque et tout ce qu'elle implique -légèreté de ton et envie de partager- m'avaient réellement manqué, je m'en rends bien compte. Je profite de monopoliser le micro pour adresser un grand merci aux lecteurs qui m'ont fait parvenir des petits mots, sous toutes leurs formes, au cours de ces trois mois. J'ai été très touchée par vos petites attentions et vos efforts pour me motiver à reprendre le clavier ! Sachez une chose, cette longue interruption des programmes n'était vraiment pas prévue (je n'ai pas embauché Joaquin Phoenix comme chargé de com') et m'a surprise autant que vous. Néanmoins, elle m'a permis de réaliser que, la rentrée approchant, ce blog ne pourra plus être tel qu'il a été durant deux années et quelques mois. Entre la (sérieuse) rédaction de ma thèse et mes nouvelles responsabilités de chargée de TD, je serai assez occupée. Sans compter les nombreux loisirs qui occuperont mon temps libre : cinéma, expos, sport en salle et cours de danse (j'attends vivement la réouverture de l'Ecole des Filles de Joie de Juliette Dragon pour y suivre le cours de Modern'Jazz et j'hésite encore à y ajouter un cours de danse contemporaine ou jazz). C'est dire. J'ai toutefois dans mes tiroirs des dizaines de billets en attente, beaucoup d'adresses gourmandes et de petits plaisirs à partager !
Je reviens donc très bientôt (avant Noël, promis) !
En attendant, je m'en vais fêter dignement mon anniversaire. Vingt-sept ans le 27 août, ça valait bien un retour en fanfare, n'est-ce pas ?! Au programme : brunch, ciné et champagne, bière et rock'n'roll, façon conte de fées. "Le Pervers Narcissique et la Mélancolique Hypocondriaque", vous voyez ? Non ? Pas grave !
A très vite les Chupa Pigs ;)